Univers: …à la recherche de la Quintessence???

 

 

Des indices dans la lumière du Big Bang révèleraient-ils enfin la nature de l’énergie noire ?

Thomas Boisson·26 novembre 2020

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Confirmée en 1998 par deux équipes de chercheurs, l’accélération de l’expansion de l’Univers est aujourd’hui expliquée dans le Modèle cosmologique standard par une énergie de nature inconnue, appelée énergie noire. L’hypothèse majoritaire actuelle décrit l’énergie noire comme une propriété de l’espace-temps, et est donc assimilée à la constante cosmologique. Toutefois, d’autres modèles avancent une nature différente de l’énergie noire ; c’est notamment le cas du modèle de la quintessence. Et récemment, une équipe de chercheurs, en analysant les données sur le fond diffus cosmologique recueillies par la mission Planck, pourrait avoir trouvé des indices de l’existence de cette quintessence. Des résultats qui, s’ils venaient à être confirmés, auraient de lourdes conséquences sur les modèles actuels.

Les chercheurs suggèrent que la polarisation de la lumière, qu’ils ont identifiée dans les données du fond cosmologique diffus (CMB) collectées par le télescope spatial Planck, et l’accélération de l’Univers, pourraient être produites par une quintessence cosmique, une énergie exotique qui imprègne le cosmos. Une telle découverte exigerait une révision majeure des théories actuelles, et les physiciens préviennent que les indices sont provisoires : ils n’atteignent pas le seuil de « 5 sigma » utilisé pour déterminer si un signal est une découverte.

Mais cela souligne le fait que la cosmologie moderne a encore une image incomplète du contenu de l’Univers. Si l’énergie noire est une quintessence, sa poussée sur l’expansion pourrait progressivement ralentir ou disparaître, ou pourrait même s’inverser pour devenir une force attractive, provoquant l’effondrement de l’Univers en un Big Crunch. « Nous sommes de retour à une situation où nous n’avons aucune idée de la façon dont l’Univers va se terminer », affirme Sean Carroll, physicien théoricien au Caltech.

 

L’incertitude sur la nature de l’énergie noire

La première preuve directe qu’une force inconnue poussait l’expansion cosmique à s’accélérer est apparue en 1998, à partir de deux études distinctes des supernovas. Une foule d’autres études ont depuis confirmé la présence de cette force, surnommée l’énergie noire, mais n’ont fourni que peu de précieuses informations sur sa nature.

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La première hypothèse des chercheurs — qui reste la principale théorie — était que l’énergie noire est une propriété intrinsèque de l’espace, ce qui signifierait que la quantité d’énergie sombre par unité de volume de l’espace est fixée comme une « constante cosmologique ». Mais certains cosmologistes ont émis l’hypothèse que l’énergie noire est entièrement constituée de quelque chose d’autre. Ils appellent cela un champ de quintessence, d’après le cinquième élément, ou éther — le nom que les philosophes grecs antiques donnaient à un matériau invisible censé remplir tout l’espace vide de l’Univers.

Contrairement à la constante cosmologique, la quintessence « est une substance tangible avec ses propres fluctuations », explique Robert Caldwell, cosmologiste au Dartmouth College, qui fut l’un des premiers chercheurs à proposer l’existence de la substance. La quintessence pourrait avoir des propriétés intermédiaires entre celles de la matière et celles d’une constante cosmologique. Au fur et à mesure de l’expansion de l’Univers, une constante cosmologique maintiendrait une densité constante, tandis que la densité de la quintessence diminuerait — mais pas aussi vite que la densité de la matière, qui diminue à mesure que les galaxies s’éloignent.

Quintessence : se cache-t-elle dans la polarisation du CMB ?

En 1998, Carroll a proposé un test expérimental pour la quintessence, basé sur la prédiction qu’elle modifie la façon dont la lumière se propage dans l’espace. Un groupe dirigé par le physicien théoricien Marc Kamionkowski, maintenant à l’Université Johns Hopkins, a ensuite calculé comment cet effet pouvait être mesuré dans le CMB, le rayonnement primordial souvent décrit comme la rémanence du Big Bang. Les chercheurs ont suggéré qu’il serait possible de détecter des signes de quintessence en regardant des cartes de lumière polarisée à travers le CMB.

La lumière est polarisée lorsque son champ électrique « oscille » dans une direction particulière, plutôt que dans une direction aléatoire. La théorie dit que la quintessence déforme la direction dans laquelle la polarisation se fait, d’une manière qui pourrait être détectée en regardant la polarisation sur tout le ciel.

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La manière dont la composante électrique du champ électromagnétique du CMB oscille (une propriété appelée polarisation) pourrait indiquer la présence d’un champ de quintessence. Crédits : Yuto Minami & Eiichiro Komatsu

Deux cosmologistes — Yuto Minami de la High Energy Accelerator Research Organization (KEK) à Tsukuba, au Japon, et Eiichiro Komatsu de l’Institut Max Planck pour l’astrophysique à Garching, en Allemagne — ont identifié cette signature du CMB dans les données de Planck de l’Agence spatiale européenne (mission qui s’est terminée en 2013).

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L’objectif principal de Planck était de cartographier de minuscules variations de la température du CMB dans le ciel, mais la mission a également mesuré la polarisation du rayonnement. Minami et Komatsu ont pu détecter des signes de quintessence grâce à une nouvelle technique qu’ils ont rapportée l’année dernière.

Leurs résultats diffèrent de ceux d’autres groupes, qui ont examiné les cartes de polarisation du CMB — y compris celles de Planck — et n’ont trouvé aucune distorsion, explique la physicienne Suzanne Staggs de l’Université de Princeton, dont l’équipe mesure le rayonnement du CMB à l’aide de l’Atacama Cosmology Telescope (ACT) au Chili. L’équipe de Staggs prévoit d’essayer la technique de Minami et Komatsu sur des données de l’ACT.

De lourdes conséquences sur les modèles actuels

Le document est « une analyse assez intéressante », mais le bruit dans les signaux de Planck pourrait être un facteur de complication, explique George Efstathiou, un éminent cosmologiste de la mission Planck à l’Université de Cambridge. Les théoriciens réagissent également avec prudence. « Si cela se confirme, c’est grandiose », dit Carroll. Mais il note que la signification statistique — seulement 2.5 sigma — du résultat est faible, et explique que ce genre de résultat disparaît souvent après un examen plus approfondi.

Kamionkowski est d’accord. « Je pense que nous voudrons probablement examiner tout cela très attentivement avant de nous enthousiasmer ». Il ajoute que l’existence de la quintessence aurait des implications non seulement pour la cosmologie, mais aussi pour la physique fondamentale : le modèle standard de la physique des particules ne prédit aucune sorte de quintessence.

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Graphique présentant les différents destins de l’Univers en fonction de la dynamique de l’expansion, elle-même dépendante de la nature de l’énergie sombre. Crédits : Univers-Astronomie.com

D’autres efforts sont en cours pour cartographier la polarisation du CMB avec une plus grande précision, et pour soumettre la quintessence à des tests rigoureux. Ces projets comprennent l’observatoire Simons, une autre expérience d’observation du CMB en cours de mise en place dans le désert d’Atacama, et une future sonde spatiale japonaise appelée LiteBIRD.

Si la quintessence s’avère être l’explication, elle aura des effets en cascade sur les meilleures estimations des caractéristiques de l’Univers, y compris son âge, qui pourrait être un peu plus jeune que les 13.8 milliards d’années que les cosmologistes ont calculé sur la base des données de Planck. Cela pourrait également aider à expliquer pourquoi les données du CMB prédisent que l’Univers devrait se développer à un rythme plus lent que celui actuellement observé. « Le rocher sur lequel ces hypothèses se tiennent est la constante cosmologique. Si vous changez cette pierre, cela pourrait avoir un effet sur tout le reste », conclut Caldwell.

Sources : Physical Review Letters

____________https://trustmyscience.com/indices-fond-diffus-cosmologique-reveleraient-ils-nature-energie-noire/

 

 

 

Expansion de l’Univers : quelle est la nature de l’énergie noire ?

 

Ces courbes de niveau d'énergie déployées dans tout l'espace représentent une forme possible de l'énergie noire appelée quintessence.

© K. MEHAU/SCIENCE PHOTO LIBRARY

Ces courbes de niveau d’énergie déployées dans tout l’espace représentent une forme possible de l’énergie noire appelée quintessence.

 

27 nov 2020 à 14h00

Par JEAN-BAPTISTE VEYRIERAS

L’expansion de l’Univers ne cesse d’accélérer sous la pression d’une énergie omniprésente et assez puissante pour contrecarrer la gravité. Mais vingt ans après sa découverte, le mystère de sa nature résiste toujours aux chercheurs. On l’appelle l’énergie noire.

On a un éléphant dans le cockpit et personne ne le voit ! C’est exactement le sentiment qu’évoque l’énergie noire. Selon les calculs, elle représente 68 % de l’énergie totale du cosmos, écrasant de fait toutes les autres formes d’énergies de l’Univers : atomes, neutrinos, matière noire, photons Et pourtant, aucune expérience, aucun télescope n’est capable d’attester la présence de ce mastodonte. D’où son nom : noire ou sombre (de dark , en anglais), parce qu’elle reste invisible à nos yeux.

En revanche, les questions, elles, s’affichent ostensiblement : de quoi est constituée cette énergie noire ? D’où vient-elle ? Comment agit-elle pour contrer les effets attractifs de la gravité et pousser l’Univers à accélérer son expansion ? « Ce sont les questions les plus intrigantes et les plus débattues de la cosmologie » , atteste la théoricienne et cosmologiste Valeria Pettorino, au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), lancée depuis plusieurs années à la poursuite de cette « mystérieuse » énergie. « Nous peinons encore à faire le lien entre l’énergie noire et les théories actuelles » , reconnaît l’astrophysicien Adam Riess, de l’université Johns-Hopkins. Et il sait de quoi il parle, puisqu’il a reçu en 2011 le prix de Nobel de physique, conjointement avec Saul Perl-mutter et Brian Paul Schmidt, pour avoir découvert, à la fin des années 1990, l’accélération de l’expansion de l’Univers, et donc la preuve de l’existence de cette énergie noire.

UN CONCEPT TROMPEUR ?

Or la surprise fut de taille ! Exit la décélération qu’envisageaient à l’époque les spécialistes. Le modèle cosmologique a dû être revu et corrigé pour faire (grande) place à l’énergie noire. Comment ? En ajoutant une constante cosmologique (déjà pressentie par Einstein) aux équations : « Dans l’équation de champ d’Einstein, qui relie la géométrie de l’espace-temps à la matière et à l’énergie qui le constituent [c’est le cœur même de la relativité générale d’Einstein, la gravitation étant le fruit de l’action-réaction de la matière sur l’espace-temps] , la réalité physique de l’énergie noire est secondaire. C’est avant tout une description phénoménologique » , pointe Vanina Ruhlmann-Kleider, également au CEA. L’énergie noire ne serait-elle alors qu’un concept trompeur pour revêtir d’une fausse réalité physique une banale constante d’un modèle mathématique ?

C’est la grande question qui divise les scientifiques. Reste que toutes les observations menées à ce jour plaident largement en faveur de la réalité des effets de cette constante. Et bien qu’elle ne soit qu’un formalisme mathématique pratique, elle n’en fournit pas moins une petite idée sur la physique de l’expansion de l’Univers. Et cette physique ne manque pas de paradoxes…

D’abord, cette énergie a une propriété remarquable au regard de toutes les autres formes d’énergies-matières de l’Univers. Elle ne se dilue pas à mesure que l’Univers s’étend. Sa densité, qui est estimée à environ 10-13 joules par cm3 – l’équivalent d’une paire d’électrons par cm3 – serait demeurée la même depuis le big bang… Comme si de l’énergie noire était créée à chaque nouveau millimètre carré d’espace-temps ! Enfreignant allègrement le principe fondamental de conservation de l’énergie…

 

Expansion de l'univers : quelle est la nature de l'énergie noire ?

© GRAHAMBALL

L’étude, en 1998, de cette supernova de type Ia (en bas à g. de la galaxie NGC 4526) a confirmé l’accélération de l’expansion de l’Univers… et donc l’existence de l’énergie noire.

 

Autre surprise : cette énergie se comporte comme un fluide à pression négative… Oui, négative ! Comment ? En relâchant d’une certaine manière la force des autres formes d’énergies sur les « parois » de l’Univers : l’énergie noire représente en quelque sorte l’énergie nécessaire pour étirer le volume de ce ballon de gaz cosmique, créant ainsi ce que les physiciens appellent une pression négative.

UNE ÉTRANGE COÏNCIDENCE

Nous vivons à un moment particulier de l’Univers où les densités de matière et d’énergie noire sont équivalentes , pointe la théoricienne Valeria Pettorino (CEA). Une coïncidence trop belle pour ne pas cacher quelque chose si on considère que toutes ces quantités d’énergie et de matière étaient gravées dans le marbre du big bang.

À moins, bien sûr, qu’à la différence des autres énergies, la densité d’énergie noire ait varié depuis Et ne puisse donc être considérée comme une constante cosmologique ! Bref, dès que l’on se penche sur l’énergie noire, on ne récolte que des paradoxes et des dilemmes.

68 %

C’est la part de la matière-énergie de l’Univers composée d’énergie noire

UNE VALEUR UBUESQUE !

Pas facile d’expliquer cette étrange nature de l’énergie noire. La première tentative s’est d’ailleurs soldée par l’une des plus grosses erreurs de la physique moderne. Elle découle pourtant d’une idée assez naturelle : le fait que la physique quantique nous enseigne que le vide peut être peuplé par une énergie, appelée énergie du vide .

D’où vient-elle ? Le principe d’incertitude d’Heisenberg, pilier de la physique quantique, nous apprend que même des particules supposées immobiles et de vitesse nulle, et donc d’énergie nulle ont en fait une vitesse très faible et se déplacent très légèrement. Elles possèdent donc, en tout temps et en tout point de l’espace, une infime énergie. Eh bien, le vide quantique, c’est un peu cela : une myriade de particules imaginaires dotées d’une énergie infime. Sauf que quand les théoriciens font leurs calculs, ils tombent sur une valeur gigantesque, pour ne pas dire ubuesque : 10107 joules par cm3 ! Soit un écart astronomique d’un facteur 10120 . Jamais, en physique moderne, une prédiction n’a connu une telle déconvenue ! L’astrophysicien Adam Riess n’en balaye pas pour autant l’hypothèse : selon lui, c’est la méthode actuelle de calcul qui doit être révisée. Une partie des théoriciens a pourtant d’ores et déjà sonné la charge contre l’énergie du vide. Car si la physique quantique et la relativité générale échouent à expliquer la nature de l’énergie noire, n’est-ce pas le signe que quelque chose leur manque ? Par exemple, une toute nouvelle particule, ou une interaction fondamentale restée jusqu’ici sous les radars ?

C’est notamment l’idée d’une des théories les plus en vogue pour expliquer l’énergie noire : celle de la quintessence. Comme son nom l’indique, il s’agit d’une cinquième interaction fondamentale – en plus de l’interaction gravitationnelle et des interactions électromagnétique, faible et forte à l’échelle atomique. Elle serait induite par un « champ scalaire », à l’image du champ de Higgs, avec lequel la matière interagit et acquiert sa masse. « Ce champ a pu évoluer dans le temps à la différence de la constante cosmologique » , détaille Valeria Pettorino. Qui s’intéresse, elle, plus particulièrement à une forme de quintessence qui interagirait avec la matière noire : « La matière noire serait à la fois sensible à l’interaction gravitationnelle et à ce champ scalaire. C’est cette dernière interaction qui modifierait les effets de la gravité sur la matière noire » , explique-t-elle.

UNE IMPOSSIBLE THÉORIE DU TOUT

Si, pour le moment, rien ne permet de mettre en évidence l’existence d’un tel champ, cette théorie n’en fournit pas moins des prédictions en accord avec les observations cosmologiques. Mais, plus dispendieuse en termes d’hypothèses et de paramètres cosmologiques que le modèle standard, elle ne respecte pas le principe de simplicité et de parcimonie si cher aux physiciens.

Pour d’autres théoriciens, l’ajout de la quintessence à la relativité générale n’apporte pas une solution satisfaisante au grand dilemme cosmologique. À savoir l’impossibilité actuelle de faire se rejoindre l’échelle cosmologique et l’échelle microscopique, de concilier la relativité générale avec la physique quantique. À ce jour, aucune tentative de concilier ces deux univers dans une « théorie du tout », en première ligne la gravitation quantique et la théorie des cordes, n’y est parvenue… Néanmoins, leurs apports théoriques permettent d’esquisser une nature tout à fait singulière de l’énergie noire. Et plus particulièrement en gravitation quantique. Le théoricien Alejandro Perez, de l’université de Marseille, est ainsi parvenu, en 2019, à fournir des prédictions théoriques en accord avec la valeur de la constante cosmologique. Une gageure ! « Ce résultat est une première étape. Notre ambition est d’établir un modèle aussi performant que le modèle cosmologique tout en expliquant l’origine de l’énergie noire », avance-t-il.

Les calculs montrent une différence de valeurs astronomique : jamais, en physique moderne, une prédiction n’a connu une telle déconvenue !

Dans ce modèle fondé sur la gravitation quantique, l’énergie noire prend l’apparence d’une énergie « perdue » par la matière à mesure qu’elle se déplace dans l’espace-temps. De la même manière que la surface d’une table nous apparaît lisse alors qu’elle est faite d’un assemblage discret d’atomes, l’espace-temps est en gravitation quantique constitué d’un maillage discret d' »atomes » de Planck. Des mailles extrêmement fines, de l’ordre de 10-35 m de longueur et 10-43 s de durée, qui sont aux yeux de la matière ce que les atomes d’une table sont aux nôtres – en fait, ils sont même des millions de milliards de fois plus petits encore. Et de la même manière que lorsque nous courons, une partie de l’énergie que nous fournissons est dissipée dans le « sable » formé par les atomes de l’air et du sol, une partie de l’énergie de la matière du cosmos est prise entre les filets de cet espace-temps « atomique ». Une fois là, elle y demeure à jamais et se comporte exactement comme une énergie noire.

« Cette diffusion d’énergie aurait eu lieu principalement dans l’Univers primordial très dense, et aurait décru depuis » , précise Alejandro Perez. Une telle diffusion, même au niveau d’une galaxie entière, serait indétectable avec nos outils de mesure actuels – si tant est que nous soyons capables de la mesurer… et que la théorie de la gravitation quantique s’impose comme « la » théorie du tout, validant au passage l’existence d’une telle « énergie noire ». Ce qui est encore loin d’être assuré…

« Il nous reste beaucoup de travail et de difficultés à surmonter avant de pouvoir considérer ce modèle cosmologique comme une véritable alternative » , reconnaît Alejandro Perez. Énergie du vide, quintessence, interaction avec la matière noire, énergie dissipée dans l’espace-temps… On le voit, les tentatives de donner corps à la nature fuyante de l’énergie noire ne manquent pas.

D’autres cosmologistes, encore plus hardis, proposent même une autre piste pour le moins iconoclaste : modifier la théorie de la relativité générale d’Einstein. « Peut-être notre connaissance des lois de la gravitation à l’échelle du cosmos est-elle incomplète » , s’interroge Valeria Pettorino. Cette méconnaissance pourrait se traduire par une décroissance plus rapide que prévu de la force attractive de la gravité à grande distance. Nul besoin alors d’invoquer une énergie noire pour décrire l’accélération de l’expansion de l’Univers : la gravité ne serait tout simplement pas aussi puissante qu’attendue pour en retenir la course. Plusieurs théories modifiées de la gravité ont ainsi vu le jour depuis le début des années 2000. « Mais aucune ne parvient jusqu’à présent à détrôner la relativité générale quand on les confronte aux données » , commente la cosmologiste. De plus, certaines de ces théories nécessitent in fine l’existence d’une nouvelle interaction à même de contrer l’influence de la gravité… Bref, une autre forme d’énergie noire !

De quelque manière que ce soit, l’énergie noire ne cesse donc de clamer la nécessité d’une nouvelle physique du cosmos et d’inciter les scientifiques à une profonde révolution conceptuelle. Et c’est peut-être au fond cela sa vraie nature.

ÉNERGIE NOIRE : LES 3 PRINCIPALES PRÉTENDANTES

             L’énergie du vide          

Le principe

L’énergie noire résulterait de l’énergie du vide qui, selon la mécanique quantique, serait non nulle et remplirait les régions dépourvues de matière de l’Univers.

L’état de la recherche

Même si le calcul théorique demeure aberrant, l’hypothèse reste soutenue par certains chercheurs. Les observations ont d’ailleurs permis de mieux délimiter les bulles de vide entre les galaxies.

La quintessence

Le principe

L’énergie noire serait un champ scalaire induisant une cinquième interaction fondamentale avec la matière, notamment la matière noire.

L’état de la recherche

Fortes de la confirmation de l’existence du champ scalaire de Higgs, plusieurs théories ont fleuri pour décrire cette quintessence, sans aucune preuve expérimentale à ce jour.

L’énergie perdue

Le principe

L’énergie noire serait l’énergie dissipée par la matière lorsqu’elle se déplace dans le « sable » de l’espace-temps.

L’état de la recherche

Cette hypothèse, très récente, fait appel à la gravitation quantique, qui n’est pour l’heure qu’une conjecture. Mais ses prédictions collent avec la constante cosmologique.

Expansion de l'univers : quelle est la nature de l'énergie noire ?ADAM RIESS Université Johns-Hopkins

Expansion de l'univers : quelle est la nature de l'énergie noire ?

VALERIA PETTORINO Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

Expansion de l'univers : quelle est la nature de l'énergie noire ?ALEJANDRO PEREZ Université de Marseille

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